Fondé en 1961 par le Poète et Résistant, Jean-Pierre Rosnay, et animé par son fils Blaise, le Club des Poètes a pour vocation de "rendre la poésie contagieuse et inévitable" parce qu'elle est 'l'anti-polluant de l'espace mental", "le contrepoids et le contrepoison d'une existence qui tend à faire de nous des robots". Tous les soirs, du mardi au samedi, nous organisons des récitals au 30 de la rue de Bourgogne à Paris. Depuis 1996, sur Internet, vous pouvez découvrir les poètes que nous aimons, vous tenir au courant de l'agenda de nos soirées, découvrir notre podcast, communiquer avec nous et suivre au jour le jour toutes nos aventures poétiques. Bienvenue en Territoire de Poésie.
La poésie est vivante, vive la poésie.

René Daumal

Le Club
desPoètes

depuis 1961

Fondé en 1961 par Jean-Pierre Rosnay, et animé par son fils Blaise, le Club des Poètes a pour vocation de "rendre la poésie contagieuse et inévitable". Découvrez ici l'agenda de nos soirées, l'actualité de notre podcast, et une anthologie commentée des poètes que nous aimons.
30 rue de Bourgogne
75007 Paris
métro 13 Varennes

· UN POÈME · · UN POÈME ·
Fondé en 1961 par Jean-Pierre Rosnay et sa Muse et épouse, Tsou pour « rendre la poésie contagieuse et inévitable »

Du mardi au samedi
De 19h à 01h
Fermé dimanche et lundi
paris - 21 décembre 2024 - page 6
histoire
Depuis toujours, on parle surtout de poètes se rattachant non seulement à une époque, mais à un mouvement ou un autre, lesquels mouvements firent parler d'eux et disposèrent, peu ou prou, de publications. Pour ce qui concerne la poésie contemporaine, il est un mouvement qui a pris beaucoup d'importance, c'est le mouvement surréaliste, auquel ont appartenu Eluard, Aragon, Desnos. (On notera au passage ce qui n'est pas sans intérêt historique, que plusieurs d'entre eux ont également fait partie des poètes qui ont écrit durant l'occupation, dans la presse clandestine de la Résistance.)La hiérarchie poétique s'est généralement constituée autour de ces mouvements et les poètes qui n'ont appartenu à aucun groupe, chrétien (Péguy, Claudel, Marie Noël), communiste (Eluard, Aragon), surréaliste (Breton), etc. comme Daumal ( qui au contraire s'est confronté avec Breton et ses amis) eur ent naturellement des difficultés à franchir le mur du silence et à toucher un public. Daumal est à l'origine de la création du Grand Jeu, revue poétique qui fut hélas éphémère et d'audience limitée, mais d'altitude. Pour notre part, mes amis du Club des Poètes et moi, dans mes émission à la télévision et à la radio, ou au cours de nos tournées poétiques, nous sommes toujours employés à tenter de donner à René Daumal la haute place qu'il mérite.
Jean-Pierre Rosnay

A la néante

Quel beau carnage sans colère en ton honneur, regarde : dans cette nuit polaire aussi blanche que noire, dans ce cœur dévasté aussi bien feu que glace, dans cette tête, grain de plomb ou pur espace, vois quel vide parfait se creuse pour ta gloire. Ni blanc ni noir ni feu ni glace, ni grain de plomb ni pur espace, ce monde-là est bien perdu ! Pour toi, suceuse de ma moelle, toi qui me fais froid dans le dos, pour toi cette dévastation — mais quel silence ! ... silence et me voici, moi qui voulais crier toute la lourde douleur condensée minuscule dans le seul petit globe dur d'un univers, moi qui voulais montrer mon sang, comme il coulait quand mes ongles raclaient le dedans de mes côtes, moi qui cherchais des mots triomphaux pour chanter comme sifflait la hache dans les os de ma main quand je m'amputais de moi-même,
me voici la parole coupée, me voici minuscule,
perdu dans le vertige absolu de ton sein,
me voici la voix blanche, me voici ridicule : tout cela n'était rien.
Pour ta gloire, non pour la mienne, ce carnage, et sans colère.
Ce n'était rien de renier le monde, de tuer le soleil, de tout trahir pour toi, d'assassiner les larves-reflets de moi-même, ce n'était rien de me crever les yeux : j'étais
sûr de toi comme de ma mort, j'étais sûr de la toute-évidence de ma nuit qui est ton corps de silence vivant
Mais des fantômes de toi-même sont venus, les vampires de soie me consolaient trop bien, la mort vivait trop bien dans les ombres du jour, le temps maudit et toujours neuf s'est renoué.
Je ne cherche plus les cris triomphaux car je sais que pour chaque cellule qui divise ma vie, pour le plaisir mauvais qui l'engendra je dois une rançon de douleur infinie.
Je m'écorche vivant à force de t'aimer,
Mère des formes, sans forme ! toi que je torturais,
que je torture encore dans ce lit de Procuste,
ma forme honteuse d'homme:
toi sans dimension et libre de frontières,
je te couche sur ce grotesque lit nuptial,
je voudrais t'enfermer dans cette peau stupide.
Maintenant que j'ai juré fidélité,
si j'aime des détresses vêtues de chairs vivantes,
si j'aime le malheur visible dans un corps,
que ces chairs meurent! et qu'il meure, ce corps! et qu'il souffre avec moi, et qu'il souffre pour toi.
comme je vais dormir désormais à grands pas lentement dévoré cellule par cellule du feu cruel de cet amour lucide.
Je ne peux plus te trahir, tu vois bien;
«je suis mortel» ; ces mots sont la douceur du vide
qui veulent dire : «je suis à toi».
Je suis mortel ! Mortel ce que j'aime en ton nom !
Mais le jour de ma mort est interminable.
1936, Contre-ciel