Bachelier à 14 ans, étudiant le Sanscrit à 16, scientifique de haut niveau (il est à l'origine de la découverte de la photographie couleur et du phonographe), ami des plus grands poètes de son époque, toutes tendances confondues (c'est lui qui accompagna
Verlaine pour accueillir
Rimbaud la première fois qu'il est venu à Paris),
Charles Cros fut trop libre d'esprit pour faire partie des "poètes officiels" de son époque (Prudhomme, Coppée), et pas assez amer pour qu'on l'associe aux "poètes maudits" après sa mort.
Pas assez "moderne" pour attirer l'attention des exégètes de l'avant-garde, pas assez classique pour obtenir les suffrages des tenants de la tradition, pas assez riche ni conventionnel pour que la bourgoisie l'adopte comme poète emblématique, pas assez pauvre, pas assez bruyamment révolté pour être le chef de file de ceux pour qui le poète doit nécessairement attaquer tous les ordres établis, Cros est un poète trop difficilement classable pour qu'il puisse prétendre à la postérité pour autre chose que sa seule poésie.
Heureusement, elle est là, qui ne vieillit pas, évoquant, sans trop de ressentiments, les difficultés du poète à survivre dans un monde ou le "bonheur est 1 suivi de six zéros", parce que, sans autre ambition qu'être lui-même et reconnu comme tel, il est avant tout cet amant de la beauté.