On ne sait pas d'où cela part, on n'a pas vu le tireur, mais tous les mots font mouche, aucun ne fait défaut, aucun ne déborde la ligne - comble de l'élégance, écriture invisible, transfusion de l'âme à l'âme - jaillissement continu des images les plus inattendues... mais que nous attendions - mécanisme verbal parfaitement accordé à sa fonction, adéquation du fond et de la forme.
Lors d'une de mes premières émissions télévisées, un jeune professeur de Lettres avait lancé: Michaux se lit comme un bon roman policier. Je n'ai rien à retrancher ni à ajouter à cette pittoresque formule, si ce n'est qu'il s'agit chez Michaux, non seulement d'une enquète, mais d'une quête dont l'inconscient fournit la matière et les rebondissements. C'est dans ces parages que se situe l'explication du succès de Michaux. Frère siamois de Kafka, il porte témoignage, tout au long de son oeuvre, de l'absurdité et de la brutalité qui composent la toile de fond de notre univers quotidien.
Comme Kafka ou
Queneau, Michaux se libère de l'angoisse par la thérapeutique de l'humour et de la provocation.
Lautréamont et Jarry n'ont pas oeuvré autrement.