A la dernière page du "Forçat innocent", les éditions Gallimard tentent vainement de dresser une biographie de Jules Supervielle.
Que dire de sa vieé Il naquit à Montevideo mais vécut à partir de sa dixième année en France, presque sans interruption. Il perdit son père et sa mère à l'âge de 8 mois, mais passa une enfance paisible, entouré par sa grand-mère, puis par son oncle et sa tante. Il traversa deux guerres, la première dans un bureau, la seconde le "surprit" (dixit Gallimard) en Uruguay où il resta jusqu'à la Libération. Fils de banquiers, il n'eût jamais à beaucoup se préoccuper de questions matérielles et se consacra à sa vie d'écrivain et à sa famille. Soutenu par l'équipe de la NRF (Gide,
Valéry, Paulhan, Rivière), il connut même à la fin de sa vie quelques honneurs littéraires, auxquels il ne voulut point accorder trop d'importance, déclinant en particulier l'invitation qui lui était faite de devenir Président du Pen Club.
Bref, il s'échappe par une porte dérobée de sa biographie sans histoire pour se réfugier tout entier côté jardin, au milieu de la luxuriante végétation de ses poèmes, parmi laquelle il se tient, émerveillé et inquiet, dans un monde aussi neuf que s'il avait été créé avant-hier, et qu'il nous invite à regarder, le coeur et les yeux grand ouverts.