Le magnifique jour où la poésie m'apparut
dans sa plénitude, mon enthousiasme fut projeté d'un reflux de siècles
fanés en un flux de siècles épanouis, sans que j'eusse pour cela cessé
de chevaucher le présent, point d'intersection de ces siècles différents.
Alors que d'avantage en avantage évoluèrent toutes les catégories de l'esprit humain, celle esthétique m'avait dès longtemps surpris de son outrecuidance à se garder pareille. Ses instruments, la Poésie les améliora certes, à moins que d'eux-mêmes ils ne se fussent perfectionnés aux termes d'usure, mais jamais elle ne sut accroître son Eden propre, principauté stagnante entre tant de royaumes devenus, et son cercle de beauté se mord toujours la queue à distances égales du coeur universel. Parmi la délivrance générale la poésie s'avère tenace recluse, non à cause de ses bornes verbales, secondaire obstacle, mais en ce sens que ses champions, asservis à la coutume, refusent de s'aventurer à la conquête de toisons nouvelles. Comme si le poète ne devait pas être un prodigieux explorateur de l'Absolu! |
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