| Les Muses persistent, hélas ! à danser sur leur
page
d'écrou.
De par l'ignorance ou la lâcheté des poètes, la
Poésie s'enoisive en son geste ordinaire, et l'on estime suffisant
qu'elle saute ainsi que la sauterelle au lieu de s'envoler à la
façon de l'aigle avec mission de ramener une proie de soleil.
De là ces ressassements autour de règles surannées,
de là ce ronron de tradition qui opiace les hommes et engourdit leur
ambition, de là ce devenir paralysé, de là que,
réincarnation, croirait-on, les premiers poètes foulent
encore notre sol et que Virgile aujourd'hui conférencie à
l'Odéon, comme hier Pindare collaborait au Mercure de France, comme
Eschyle palabrera demain en plein air sur de vieilles dalles défouies,
alors que nos orchestres renchérissent sur les lyres, les harpes,
les pipeaux, les chalumeaux, les doubles-flûtes, les tambourins, les
crotales, et que nos armées ne daignent plus utiliser les flèches
parthes ni les redoutables catapultes d'autrefois.
Reconnaissons quelques tentatives d'évasion à l'actif de
Polymnie et de Melpomène, mais il n'y fut sujet que de ranimer des
aciers héroïques ou de jeter des velours sur des épaules
de féerie : on courtise la chimère, la cendre, les os, non
la chair, non la vérité, non la vie.
L'assaut et l'irruption n'ont pas encore
triomphé.
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