- Yasmine,
France, le 18 mars 2001
Parmi nous
J'ai
laissé courir le bruit d'un amour grandiose
A grand fracas de chevaux gris à cru sur le vent il s'élance
et sa portée dépasse les sons de clochettes qui tintent
au coeur des hommes
On ne
s'y entend plus mais de toi j'ai le souvenir au
bord des lèvres aux goût giroflée de voyages inachevés
Cours
mon amour! Cours à ta perte! laisse-nous à nos
tempêtes, à nos petites formes de sang et de glaise
rongées d'effroi
Ton visage
a la forme de mon coeur à l'aube quand
dorment encore les simulacres
Avant tu me ressemblais
Depuis ton avénement sur la nacre du silence où je
gisais sur la grève de la faim
Je veille le soleil et les étoiles par où tu passes
Présence plus émouvante que le cérémonial
des fleurs,
plus insouciante que l'enfant qui laisse son coeur aux
nuages
Présence incommensurable dans les moindres recoins qui
fait rougir les fées parmi les oiseaux interdits et qui
déborde du ciel et qui fait monter les océans
Depuis que tu es là maintenant
Je n'ai plus besoin de toi ni toi de moi pour être
Le désir
se lève sans demander son reste
Il pétrie les matins entre ses doigts d'enfants joyeux
Mélange les heures de la relève
Fait monter l'espoir délicieux de t'être merveilleux
Cours
mon amour dans le sang de tes semblables!
Cours toute bride lâchée! En liberté!
Par delà les montagnes que se font de toi les hommes
Sur un
point sensible de la conscience je tiens en
équilibre et te regarde au loin porter le message de mon
espérance
Mon monde plus vaste que le monde
Ma vie inaltérable qui assoiffe la mort
Mon coeur infini à qui répondent les mers
- Galimba,
France, le 18 mars 2001
La nuit
n'est qu'une niche scintillante
Ou se dressent les torches éternelles .
Au pied de chaque lueur
Restée comme une lance
A l'orée des marais aux cratères invisibles ,
Des mains grises jaillissent en claquant des doigts.
Pssssttt ... eh toi !
C'est par là la lumière .
-
Jean-Pierre
PAULHAC, France, le 18 mars 2001
Les gens
de ce pays
Ne parlent pas
Ils ont le froid comme un fard au front
Et le coulent au fond de leur col
Pour mieux ne pas apercevoir
Les blocs de glaces qui croisent
Et glissent sur la banquise de la ville
Et pourtant
On saisit parfois
De l'ombre d'un cache-col
L'appel furtif
D'un regard bavard
Rond comme une bouée lancée au hasard
Et la nuit venue
Les voici allumés devant l'écran
Et leur vie défile
Et file une infinie
Toile
Ou se love la virtuelle étoile
A qui parler
A qui se fier
Et ce sont de longs silences qui palabrent
De clavier à clavier
O musiciens de la nuit qui pianotez votre cur
Ouvrez la porte du jour
Et levez l'aube des paroles
Je vis
dans un monde de silence
Chacun s'y ferre indifférent
Et ferme sa porte
Ses lèvres muettes
Ses yeux vides
Et pourtant
Ce n'est qu'un long murmure
Qui fume et vrombit au-dessus des villes
Le nuage âcre du bruit
La stridence perçante des lumières
Le jet d'argent tonitruant de la meute furieuse des phares
Qui se noient dans l'encre de nulle part
Dans un vacarme opaque de feu empanaché
Qui se grise de lui-même
Notre
silence s'enferme dans le bruit
Notre solitude multiple se perd dans l'infini flot de la foule
Et nous errons de fantasme en illusion
D'horizon en aurore
De cercle en spirale
De vapeur en fumée
Fous
Qui pourtant rêvons de vivre
- Petite
Iroquoise, France, le 18 mars 2001
Des hommes
meublent leurs antres tant bien que mal. Par exemple, de boîtes
de confiseries mises en vitrines qui brillent de toutes leurs couleurs
acidulées. Des passants curieux (il est un fait qu'il n'est
nul besoin de lunettes pour voir de plus près chez le voisin),
délaissent leurs vitrines, alléchés par les bonbons
exotiques d'en face. Mais les bonbons font mal aux dents. Et les brosses
à dents sont si rarement employées, de haut en bas,
de bas en haut, et dans les recoins fragiles. De fait des hommes meublent
leurs antres et ont les dents plus ou moins cariées. Ca lance
et ça déménage à tout va, par dessus-bord,
à tort, à travers. Il faut se débattre. Et inévitablement,
pour les moins fortunés d'entre tous, un vent de hasard vient
à passer par là, et les boîtes à bonbons
méticuleusement réparties, projetées sans dessus-dessous
à travers le verre brisé de la vitrine, laisse entrevoir
aux passants agglutinés, aux passants distraits, au passants
qui passaient par là, aux chats, aux rats, à la suprise
générale, les monceaux de poussières en nuage
asphixiant s'éléver dans l'air étonné.
Ils ne restent plus sous les décombres, en souvenir de traces
humaines, pour les archives, des boîtes à bonbons que
les ronds nets et vides alignés en silence.
Cependant des hommes vivent intérieurement tant bien que mal
sans se préoccuper des vitrines voisines, ils sont bien trop
discrets ou trop occupés à jeter le superflu par la
fenêtre, qu'ils préfèrent garder ouverte.
Et le linge sale... ils le lavent dans l'eau claire de leur conscience...et
l'étendent à la fenêtre.
-
Morad
DJADI, France, le 18 mars 2001
A une
jeune morte
Cest que tout homme voit le ciel avant la terre
Sur les
chemins en épines et en fleurs
Le matin a bercé le glaive lumineux
Dun soleil volage
Le soir a bu larc sombre
Dune lune sage
Ni le regard quont nos yeux sur la vie
Ni la parole dite de nos espérances au loin
Qui sen vont ne te retrouveront réelle
La pluie
est passée sur un rêve
Effaçant le visage qui part quon ne reverra plus
Lheure de la mort sest faite immuable
Quest-ce ? Rien na plus despace
Alors que meurt le souffle que meurt le vent
Que meurt ta vie emportant le temps
Un peu de nous déjà
Te laissant à nos souvenirs vains
Te laissant
morte dans la seule ombre
La nuit
tombe est tombée
Nulle nuit nest pourtant sépulcre
A ta mémoire aux brumes nocturnes
Pareille à une mer reposée sereine
Où ce corps ? Qui reflétait le mouvement
Faisait lesprit de la vie ou enfin de rien
Ballet fou de la terre en univers désolé
Languissante est une demeure
Où la mort y trouve sa note
Endormie
la naissance dun silence
Des yeux
aveugles aux oreilles sourdes
Pas un hélas pas un ne comprend
Songes muets des défunts
Que vous vouliez vous taire
Que les
meilleurs printemps
Partent avec habitude
Et que le ciel continue en terre
-
Jean-Philippe
Baradat , France, le 18 mars 2001
Marine
Naviguant
sous le vent, les flibustiers des îles,
Ont largué les amarres et cargué la grand voile,
Tandis qu'à la barre, le pilote immobile,
Conduit le brigantin en suivant les étoiles.
Le trois-mats
balancé par la houle océane,
Frotte son ventre rond contre les eaux verdâtres,
Et la brise marine qui lui cherche chicane,
Incline la mature qu'elle voudrait bien abattre.
Plongeant
droit dans des creux qui pourraient l'engloutir,
La frégate relève sa proue triomphante,
Et les paquets de mer qui s'écrasent pour mourir,
Viennent balayer entreponts et soupentes.
- Erick
Boileau, le sol qui nous porte, le 18 mars 2001
toute
femme porte à sa porte un exil
et lenfant va
à tout d'abord lui doit son front
ce pan
qui n'a de grenier qu'un visage
quun otage quun pas
c'est bien qu'entendre naisse et vivre va vers ça
le jour tremplin des habitudes remonte la pente au toit nu
vivre en passant s'ouvre
par l'infime fait qu'on remue
- Yasmine,
France, le 18 mars 2001
On a
mis tout à plat
Le bric à brac d'idées qui n'érigent aucun pilier
éternel
La peur en contre-bas
Les pans de soleil
Les petites joies en place de petits riens
Les flacons d'amours vieillis, étiquettes au vent
L'ennui qui danse sa douce folie autour d'un feu qui refuse de prendre
Les trajectoires fendues d'effroi des doigts pointés au loin
Les défauts ricanant, les qualités faites mains par
dessus le marché
Les rêves et pas assez de vie pour les contenir
les visages de la mémoire qui rappellent vaguement des traits
de l'enfance méconnue
On a
mis tout à plat et d'un revers nonchalant et d'une violence
toute d'indifférence, la mer a tout emporté
Demeure
en signe de vie, un désir
Se fondre sans un bruit dans la nuit.
-
Jean-Rémy
Fleuret, France, le 17 mars 2001
Le temps
viendra
A se
saouler de mots on titube parfois entre deux phrases, deux silences,
deux non-dits et sans prévenir on devient muet le temps dun
verre, dun soupir, dun clin dil.
A se vautrer les samedis soirs enfumés, la bière au
ventre, le rire idiot, la main baladeuse, la face hilare on brûle
sa jeunesse quon croit éternelle et lon cherche
dans lalcool le moment unique où lon se verra soi-même,
face-à-face, pour de vrai.
A vivre ainsi à-côté de la vraie vie, à
se chercher sans se trouver, le temps sécoule, inexorable
et
un jour, sans prévenir, comme ça, au détour dune
phrase, dune réponse à une question posée,
la Lumière viendra nous toucher de son rayon et tout sera changé,
plus rien ne sera comme avant, les mots prendront une autre résonance,
les visages une autre expression et nos propos se teinteront dune
imperceptible sagesse
Alors, le temps sera venu
-
Saïd,
France, le 16 mars 2001
La rue
traîne ses piétons sans but
Ils regardent leurs pieds périr dans l'ennui
Et leurs yeux se meurent de solitude
Ces vitrines au goût sans saveur
Qui se disputent la joie d'allècher
De serrer leurs patients dans l'agonie
De charmer les marches du choix de l'achat
Sauvons les marchands de tapis
Donnons leur la vie,la vraie
Celle qui permet l'amour
- Domech,
France, le 15 mars 2001
Solitude
Quand ma tête flotte
sur une mer dhuile
Et que
ma tête vole
dans le ciel cotonneux
Quand
ma tête crisse
sur la neige immaculée
Et que
ma tête senfonce
dans le sable du désert
Je pense
parfois
A des vagues déferlantes
A un ciel en mouvement
A une neige foulée de pas
A une tempête de sable
Je rêve
dévasion
pour sortir
de ce calme minéral
Je rêve
dexode
pour croiser,
un jour,
lAmi de mon Esprit.
-
Siboni
j. Paul, Ile de la Réunion, le 15 mars 2001
Empreinte
dété.
Pour
écrire en silence
des miettes damour
jai préféré le sable
du rivage doré
à la craie et lardoise
sur un banc décole oubliées.
Comme dans mes rêves denfant
jai enrobé dor
tous ces mots
qui ont envahi mon cur
en une gerbe détoiles.
Par dessus mon épaule
tes yeux ont surpris mes pensées
juste un instant,
juste avant
que lécume de londe
ne recouvre dune caresse
mon ardoise de poudre de corail.
- Dame
Oiselle, , le 14 mars 2001
J'ai
demandé à l'oiseau de fermer ses ailes
qu'il m'enseigne la patience posée au pied des songes
Des idées
noires et d'autres belles se mêlent et
tournoient au-dessus de nos têtes
L'augure
ne présage nul omen et nul festival
Il garde
le silence
Il écoute
bruire la course rouge qui irrigue le coeur et
qui anime les vertiges de l'affranchi
Il entend
le murmure lointain au jardin où s'épanouit
l'âme en secret
Dans
la quiétude du vent calme et des peurs nourries
d'idéal, l'oiseau prend son envol et sur son sillage
trace d'invisibles séjours
J'apprends
à déployer la vie parmi le carcan humain sans
savoir rien autre que l'envie de séjourner en l'amour
- Alain
FAUROUS, France, le 13 mars 2001
LA MER
La mer
a son écrin de sable et de falaises,
de dentelles de roches déchirées par ses feintes,
tapissée de la soie et du velour des brumes.
Lamer
a ses chemins, de voile et de mâts
qui feignent des blessures, trés vite refermées
dans le sillon des vagues.
La mer
étend son rôle à ses dociles âmes,
des poissons scintillants aux féroces guerriers,
bardés de luisantes armures, de dards étincelants.
La mer a ses gardiens, inutiles et cruels
qui peuvent percer le jour dés qu'il la pénètre.
Vague
après vague, sur un lit d'éternité,
elle pêche la lumière pour mieux nous fasciner;
et infiniment nus, nous découvrons, avides,
sa douceur perlée, sa saveur cachée.
La mer
est mon diamant qui jamais ne durcit.
Je me pends à son cou et jamais je ne sais
en quelle pierre, en quelle eau
je règne comme un esclave
- James
Owens, Etats-Unis, le 13 mars 2001
Dans
l'après
L'orage
a aiguisé ses couteaux sur les nuages,
a éventré notre ciel.
Maintenant
on marche dans l'air frais.
La vieille lune laisse tomber
un cati
nouveau sur le canal.
Ce monde est presque réel--
comme
l'autre.
Des verres brisés
étincelent
sur les rives.
Les vidanges chuchotent aux rats.
- Bachir
ATTOURA, ALGERIE, le 13 mars 2001
E X I S T E N C E O B L I G E
Je l'ai
quitté
Le refuge qui m'isolait
M'annihilait
Muselait mon charnel
Je les
ai déchirées
Les pages qui bouffaient mes nuits
M'épuisaient
Taisaient mes révoltes
Je l'ai
chassée
L'enfance qui tant revenait
Me malmener
Me ramener aux temps d'antan
Et de
cette peau si sensible
Qui pour un rien frissonnait
Ai-je vraiment besoin?
Et de
ce coeur si compatissant
Qui amassait les peines d'autrui
Ignorait les miennes
Ai-je vraiment besoin?
Vidé
et dénudé
Je balance ma dépouille à la rue
Qu'elle soit dévorée
Savourée par les vautours
Je ressusciterai
alors
J'existerai pour les esprits éteints
J'existerai pour les ventres
J'existerai pour les bas-ventres
J'existerai pour les passions
Mais j'existerai.