Tous
les soirs au Club des Poètes
-
Laureline
Amanieux, France, le 10 décembre 2000
Lettre ouverte à mon fils
Grandis
pour ne jamais me perdre, grandis pour ne jamais te perdre : je n'aimerais
pas te dire autre chose, mon fils. L'amour est ton chemin des Dames.
Tu peux avancer sans crainte du vide. L'amour est ton chagrin, ton
drame.
Renverse
l'échiquier. Je ne te veux pas chevalier : sois le fou qui
traverse la vie en diagonale. Remplis les cadres tracés par
tes rêves. Jette les mauvais pions hors de ta course. Les adversaires
périssent par l'Esprit. Ne les méprise jamais. Jette
tes pièces hors
de ta bourse.
Ne t'arrête
pas aux croisées des fenêtres, enjambe-les. Les tours
ne renferment que le néant. Ne creuse pas de tranchées
inutiles. Lâche ton courage dans le nud des
tempêtes. Les tours ne protègent pas du Temps.
Le temps
est une prière. Engrange-le. N'aies pas honte de tes impuretés
: elles sont tes sabots d'humanité. Sois l'étranger
qu'on veut partout accueillir. Dors sur la paille pour un feu de joie.
Le temps effacera ta mère.
Mais,
surtout, mon fils, surtout, je t'en prie, n'écoute rien de
ce que j'ai dit.
- Isabelle
de Penfentenyo-Barrett, Hong Kong, le 10 décembre 2000
ce soir, le caliendra...
Ce soir,
le caliendra répand ses larmes roses au pied du vieux manguier.
Il y a bien longtemps, pauvre vieillard usé, quil a cessé
doffrir ses pêches dEquateur aux bouches assoiffées.
Ici rien ne fane et tout sépuise . Les vieux ont cinquante
ans, les enfants nont pas dâge. Ils ont le rire
simple de ceux qui nauront pas le temps davoir des états
dâme. Ce matin lhibiscus déployait ses couleurs,
ce soir il meurt déjà. Ainsi va Douala.
- Julien
Santenoy, France, le 9 décembre 2000
Donc, être un vase pas funèbre
en vacance
Avec le fleuve et ses tumultes qui s'agitent
en soi
(Grande tempête sur les rives de l'Alhambra)
et au son d'une guitare immémoriale
attendre
et sourire de souffrir parce que c'est tendre
Parce qu'on accepte
simplement
(parce qu'on ne peut pas faire autrement)
d'être un vase pas funèbre
tout empli et vacant
qui attend.
-
Hervé
le Grand, France Paris, le 9 décembre 2000
Bonjour
à tous,
Comme Yasmine me l'a gentiment conseillé je vous écris
un premier message pour vous remercier. En effet, je suis très
heureux d'être resté jusqu'à la fin de votre soirée
car j'ai pu entendre de beaux textes portés tels qu'ils le
méritent, sur les cimes de leur nature.
Plus
particulièrement, lorsque les vers de Monsieur de la Fontaine
se sont éveillés d'entre les lèvres d'une jeune
femme aussi éclatante que pâle...
Pour elle, je serai bien le dernier des incapables si je ne parvenais
pas à interpeller la lune pour lui présenter mes hommages
les plus audacieux.
Ainsi, il y a une heure à peine, devisant avec la lune, tout
aussi pâle et belle qu'elle, j'ai eu tout le loisir de me suggérer
telles ou telles fleurs à lui offrir en longeant les jardins
des ministères... mais voilà je ne savais où
les présenter.
Et si, comme je le crois, son prénom s'appuie sur le nom d'un
fruit sauvage, sa beauté fougueuse n'en a pas moins d'attraits
que la ronce qui le porte, cela ne m'avance pas plus mais je suis
heureux d'avoir fait une telle rencontre.
Je vous demande simplement de le lui dire. Merci.
Enfin,
vous m'avez dit une phrase qui m'a touché M. Rosnay dont j'ai
retenu les mots "...Seul et humble...". Pour le premier
je ne peux qu'acquiescer, pour le second je ne peux me prononcer sans
paraître tout l'inverse.
Avec mes remerciements renouvelés.
- Slobodan,
France, le 08 décembre 2000
Le chemin
Avec
mes cheveux dans le vent,
Avec ma bouche en cerf-volant,
Avec mes yeux ensanglotés,
Avec mes mains accaparées,
Avec mon torse douloureux,
Avec mes poils déjà si vieux,
Avec mes doigts ankylosés,
Avec mes pieds lourds à porter,
Jirai te voir encore une fois,
Jirai souffrir auprès de toi,
Jirai te dire mes sentiments,
Jirai crier comme un dément,
Jirai pleurer sans retenue,
Jirai parler à linconnue,
Qui me regarde avec ses yeux,
Avec ses yeux qui sont dun bleu,
Dun bleu plus flou que le brouillard,
De ce brouillard qui maccapare.
Si je
trouve un jour mon chemin,
Jirai dormir entre tes seins.
- Patrick
Bittner Lamy, Québec, le 8 décembre 2000
La vie,
ce n'est peut-être après tout que le moment présent.
Carpe
Diem. Nos enfants grandissent en ne connaissant point cette notion.
Comment voudriez-vous qu'ils la connaisse, alors que tous autour d'eux
sont des parfaits étrangers de l'instant présent, le
vrai, le sauveur?
La vie,
c'est si simple, mais si dure.
Oui:
Simple et dure.
- Leo
Pold Victoria, le 7 décembre 2000
Venezzia
capital en ordalie
sur des flots blancs
la belle almée enlisée
dans des lagunes de brume
Venezzia
gondoles de mots
tanguant en romances
sur les langues ensablées
Venezzia
au goût de paprika
pour les coeurs naufragés
Murano
où la cuisson du sable
d'un bleu salé de mer
libère les frêles chevaux
des libertés de verre
Venezzia
où s'exhalent dans les canaux
des détritus de coeurs en marées basses
où l'on aperçoit souvent
derrière le voile blanc d'un brouillard
quelques pérelinages de mariés fatigués
venant y faire pénitence
dans l'espoir assassin
de noyer leurs amours d'habitudes.
Venezzia
je ne me renflouerai plus
ici où là bas
qu'importe...
Ma Venise à moi
est un bateau lyre
sombrant dans le ciel
où mes amours péninsulaires
resteront toujours mes derniers sanctuaires
Ma Venise
à moi
est un nuage d'espoirs
sur des flots blancs
qu'un peu de soleil
dissipe dans l'azur
Ma venise à moi
est un astre de mer
au bord de l'immensité
qui menace de l'engloutir
toute entière
pierre par pierre.
Avec toi,
ma Venise
je ne me renflouerai plus.
Aujourd'hui est hier...
Mais qu'importe!
- Lechene,
France, le 7 décembre 2000
je viens
de lire tous les "poèmes" écrits depuis fin
novembre jusqu'au début décembre, or je m'aperçois
que les poetes d'aujourd'hui font bien peu de cas du système
métrique. Où est la rime, l'hémistiche, l'alexandrain,
ils ont disparu avec les vagues de la facilité. Que diraient
les Hugo, les Lamartine et les Chénier s'ils nous lisaient
aujourd'hui? Ils penseraient sûrement que leurs efforts ont
été vains. Pourquoi toute cette souffrance à
chercher le rythme des phrases dans la magie des mots, alors que la
poesie du XXIéme siècle n'a que faire du soulèvement
des sentiments que berce un coeur assoiffé de beauté
! Dommage qu'il n'y ait plus d'effort conjugué au talent!
Réponse du Club des
Poètes: est-ce qu'il faut jeter aussi à la mer tous
les poèmes en prose de Baudelaire et Rimbaud, tous les vers
libres d'Apollinaire?
- Saïd,
France, le 7 décembre 2000
Le temps
s'efface derrière ton visage
les mots se perdent dans le ciel de ta vertu
ouvre moi les portes de ton amour
et laisse moi te guider a travers la sagesse
l'amour se trouve au fond du couloir a droite
et se laisse emprisonner dans le coeur
de tous ceux pour qui l'envie miroite
dans le silence loin de la peur
- Jacques
Rolland, France, le 6 décembre 2000
Les
mots parlent aux mots. Entendre et voir les bien nommés. Ainsi
platane désigne un mot qui érige son P comme un poing
au ciel. Son T est précis, immobile, planté en terre,
son L l'allège, berce un ciel où les voyelles donne
le La de la légèreté.
- Galimba,
le 4 décembre 2000
Moi, je connais trois mots , et je les mets dans tous les sens mélangés
dans la vis sans fin de la Terre et du rêve.
Chacun son truc.
Mais la poésie c'est pour tout le monde , ce n'est pas seulement
pour les érudits. Le clodo dans la rue aimerait bien qu'elle
le réchauffe parfois .
Tiens,
le dernier poème de la belle Yasmine : Ca
c'est du poème!
C'est
du qui sent l'argile, l'oeuf du monde, le nid de la vie. Il y a la
matière de nos origines gravée sur les rochers perdus
du désert. Il y a la ronde étendue des éléments
sans lesquels ta verve ne serait rien .
Allez
crache ton venin , ironise , répond , à l'attaque !
Un arbre
- Enniche
Raja, Tunisie, le 4 décembre 2000
Portrait
d'homme
Tu as
gardé, mon ami
le doux hâle
des champs de blé
de l'arrière pays
où tu es né
Tu as
gardé la brûlure
du sable sur tes pieds,
l'éclat de rire du soleil
sur le désert figé,
la tristesse de la pluie
qui dégouline
sur les portes fermées
tu as
gardé, mon ami
la chaleur des pavés rouges
des siestes grenadines,
l'épaisseur des murs de pierre
qui jalonnent la ville,
la rondeur des voutes alcalines
Tu as
gardé la profondeur
des puits ou s'enlise la mémoire,
la fraicheur des vagues
qui taquinent le vent,
les parfums embaumés
de nos premiers soirs,
la densité de l'ombre
qui serpente les dunes
l'étonnement primordial.
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