On se souvient du mot superbe d'André Breton à son sujet: «A jamais la jeunesse reconnaîtra pour sien cet oriflamme calciné.» La phrase de Breton date de 1959. Sa prédiction ne tarda pas à se réaliser. Dès avant 1968, et autour de cette date, pendant une dizaine d'années environ, se développa ce qu'il faut appeler une « mode » d'Artaud. Mode irrésistible et qui prit plusieurs formes mais cristallisa surtout autour du théâtre. Sans doute parce que la publication des oeuvres complètes en était justement au "Théâtre et son Double" et à tout ce qui s'y rapportait. Très vite, en France et bien au-delà,
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Artaud (1896-1948) prit le visage du rénovateur du théâtre contemporain : « der Vater des modernes Theaters », disait-on en Allemagne. Durant toute une décennie, ce fut une véritable folie d'Artaud : chacun se réclamait de lui, et une « cruauté » le plus souvent mal comprise était mise à toutes les sauces. Comme toutes les modes, celle-ci finit par refluer. Non sans inspirer un vif soulagement à ceux que cette frénésie avait consternés. Car elle était largement mystificatrice, et un certain culte aveugle avait tendu à occulter, par ses excès bruyants et réducteurs, la richesse d'une parole que l'on commençait à peine d'approcher. Il arrive que le reflux d'une mode s'accompagne d'un détournement radical de ce qui en a été l'objet et que l'on aille jusqu'à brûler ce qu'on avait adoré. Rien de tel ici : ce qui a disparu, c'est l'écume, le fracas. Mais l'intérêt profond pour Artaud n'a pas décru. Le prouvent les numéros spéciaux de revues qu'on continue de lui consacrer, à intervalles quasi réguliers, tandis que se poursuit méthodiquement le lent dévoilement des Oeuvres complètes. Alain et Odette Virmaux (IN Antonin Artaud, La Manufacture éd.) Ailleurs sur le réseau : Artaud
(Le grenier de Lionel Mesnard) |