Paul Valéry
est né en 1871, au lendemain de la défaite française
et de la Commune ; il est mort quelques semaines après la fin de
la seconde guerre mondiale. Il a traversé son époque à
l'écart des grands événements que d'autre part il
a analysé avec une grande perspicacité et cet homme discret
a eu des obsèques nationales.
Il avait treize ans à la mort de Victor Hugo,
fit ses débuts dans l'ombre de Mallarmé
aux beaux temps du symbolisme et put connaître à la fin de
sa vie Le parti pris des choses de Francis Ponge et les premiers grands
titres de Camus.
La poésie fit sa gloire et, sans tenir compte de sa correspondance
et de ses inépuisables cahiers, elle occupe en volume moins du
dixième de son oeuvre publiée. Lui-même écrivait,
non sans une petite coquetterie, à Charles Du Bos, en 1923 :
On veut que
je représente la poésie française. On me prend
pour un poète! Mais je m'en fous, moi, de la poésie. Elle
ne m'intéresse que par raccroc. C'est par accident que j'ai écrit
des vers. Je serais exactement le même si je ne les avais pas
écrits. C'est à dire que j'aurais, à mes propres
yeux, la même valeur. Cela n'a pour moi aucune importance.
A l'en croire, la
poésie est un jeu de mots (de quilles, disait Malherbe) :
Je cherche
un mot (dit le poète) un mot qui soit
féminin
de deux syllabes
contenant P ou F
terminé par une muette
et synonyme de brisure, désagrégation,
et pas savant, pas rare,
Six condition -au moins!
Mais non gratuit :
il y faut «un certain genre d'émotion», un «état
émotif particulier», qu'il s'agit de restituer.
Le poème, disait-il, est une «fête de l'intellect»;
mais il n'est rien sans sa «fête», qui est «un jeu,
mais solennel, mais réglé, mais significatif».
Michel
Décaudin,
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