Ronsard(1524-1585)
est jeune quand il conçoit son dessein: pourtant il a déjà vécu, voyagé;
il a fait légèrement ses premières études et les a manquées; il est
devenu page, et encore enfant il a couru le monde; il est allé en Angleterre,
en Écosse, en Hollande, en Allemagne, en Piémont. A le voir, on le croirait
tout destiné au monde et aux armes, voué au service des princes. Il
est de belle taille, de mine élégante, alerte et adroit aux exercices
du corps, le front ouvert, l'air noble et généreux ; il a la conversation
agréable et facile. Une surdité qui lui survient et qui l'afflige dés
la jeunesse lui est un premier temps d'arrêt, un premier rappel intérieur
qui le sollicite à la retraite. Et surtout il y avait alors dans l'air
un grand souffle et un grand courant qui enlevait et qui embrasait toutes
les âmes studieuses, et, parmi les ignorants mêmes, tous ceux qui étaient
capables d'une ambition vraiment libérale. Ce mouvement de la Renaissance,
comme on l'a vu du mouvement de 89, était un de ces puissants et féconds
orages auxquels la jeunesse ne résiste pas. Ronsard en fut atteint ;
Lazare de Baïf, auprès duquel il avait été quelque temps en Allemagne,
l'initia à ce goût nouveau d'études. Ronsard prit une grande résolution.
A l'âge de dix-sept ans, après sept ou huit années de courses, de dissipations,
il se dit qu'il fallait être homme, compter dans son temps par un genre
d'ambition et de succès qui ne ressemblât point à un autre, et cueillir
la seule palme qui ne se flétrit pas. De retour à Paris, il s'enferma
dans un collège auprès de Jean Dorat pour maître, et pendant sept ans
(1542- 1549), avec quelques condisciples de sa trempe et qu'il excitait
de sa propre ardeur, il refit de fond en comble son éducation. Il lut
tous les poètes anciens, surtout les Grecs, chose très neuve alors en
France. Ce que fera un jour Alfieri à un âge plus avancé, Ronsard le
fit plus jeune, mais par un même principe d'opiniâtre volonté ; il se
dit : « Je serai poète, je le suis ; » et il le fut. Il sortit de là
plein d'enthousiasme et chargé de munitions poétiques, et il leva son
drapeau. Lui et ses amis, ils avaient conjuré ensemble pour que la langue
française eût enfin une haute poésie, et ils se mirent incontinent à
l'oeuvre pour la lui donner. |
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