Henri
Michaux
(1899-1984)
On ne sait pas d'où cela part, on n'a
pas vu le tireur, mais tous les mots font mouche, aucun ne fait
défaut, aucun ne déborde la ligne - comble de l'élégance,
écriture invisible, transfusion de l'âme à
l'âme - jaillissement continu des images les plus inattendues...
mais que nous attendions - mécanisme verbal parfaitement
accordé à sa fonction, adéquation du fond
et de la forme.
|
Dessin
de Michaux
|
Lors
d'une de mes premières émissions télévisées,
un jeune professeur de Lettres avait lancé: Michaux se lit comme
un bon roman policier. Je n'ai rien à retrancher ni à ajouter
à cette pittoresque formule, si ce n'est qu'il s'agit chez Michaux,
non seulement d'une enquète, mais d'une quête dont l'inconscient
fournit la matière et les rebondissements. C'est dans ces parages
que se situe l'explication du succès de Michaux. Frère siamois
de Kafka, il porte témoignage, tout au long de son oeuvre, de l'absurdité
et de la brutalité qui composent la toile de fond de notre univers
quotidien. Comme Kafka ou Queneau, Michaux
se libére de l'angoisse par la thérapeutique de l'humour
et de la provocation. Lautréamont et
Jarry n'ont pas oeuvré autrement.
Jean-Pierre
Rosnay
(Extrait d'un article paru dans Les Nouvelles Littéraires N°2389)
|