Accueil Écrire Actualités Forum Francophones Du monde entier Pour les enfants Résistance

Association des Amis du Club des Poètes

Réunion du 24 novembre 1999 : Bob Kaufman par Anne Mauger

 

Voyageur, vagabond du coeur,
En route pour un million de minuits, noirs, noirs
Voyageur, vagabond des mondes d'étoiles,
En route pour un millions de demains noirs, noirs,
Cherchez et trouvez les enfants d'Hiroshima
Ramenez-les, ramenez-les.

BOB

KAUFMAN


Pour Eileen

Dors, petite une, dors pour moi
Dors, petite une, dors pour moi
Dors du profond sommeil de l'amour
Tu es aimée, éveillée ou rêvant
Tu es aimée.

Les vents dansants chanteront pour toi
Les anciens dieux prieront pour toi
Un pauvre poète perdu t'aimera
Comme les étoiles apparaîtront
Dans les cieux
Sombres.

 

On sait peu de choses de lui. Est-ce qu'il a voulu fuir le chaos familial? Une maman catholique d'origine martiniquaise qui tient absolument à le conduire à la messe, un père juif allemand qui l'emmène à la synagogue, 13 frères et soeurs, une famille pauvre sans doute, si l'on peut imaginer les difficultés d'un enfant de famille immigrée, surtout lorsqu'il a la peau sombre et qu'il est l'arrière petit-fils d'une esclave, dans l'Amérique ségrégationniste de la première moitié du XXème siècle. Il part en mer à l'âge de 13 ans et pendant 20 ans, au service de la marine marchande, il fera 9 fois le tour du monde, connaîtra 4 naufrages et perdra près de la moitié de sa capacité auditive.
A bord, il sera initié à la poésie par un camarade d'équipage. Quand il revient sur le plancher des vaches, il décide de reprendre ses études et s'inscrit à l'Ecole de Recherche Sociale de New York. C'est à cette époque qu'il se lie d'amitié avec Ginsberg et Burroughs, puis Ferlinghetti, trois des têtes de file de la Beat génération, ce mouvement de poètes réfractaires qui récusent les rêves de l'Amérique blanche qui gagne en opprimant. Il rencontre aussi Eileen, sa femme, qui fut son pygmalion puisqu'elle ne cessera jamais de l'encourager à écrire, même après leur séparation, et pour laquelle il nourrira une constante tendresse. De plus en plus, il laisse crépiter les battements de son coeur sur le papier et fait résonner la feuille vierge comme un percussioniste de jazz. Les battements du coeur, les battements des baguettes du batteur sur les caisses de son instrument, les battements du chaos du monde dans l'esprit de Bob Kaufman, poète qui hésite à écrire et improvise, comme un musicien de jazz. Car le chaos du monde résonne dans la tête de Bob Kaufman, les massacres nazis, la bombe atomique sur Hiroshima, la misère. Il clame ses poèmes dans les cafés et dans les bars, il fustige la société contemporaine dans un déluge de mots syncopé sans même vouloir laisser de traces, comme si le temps n'était plus à la littérature, mais à une lutte sans merci ni espoir. Il s'abime dans la drogue, connaît la prison, veut continuer à parler, puis quand les mots s'avèrent définitivement impuissants, il se tait. D'abord en 1963 où, suite à l'assassinat de Kennedy, il fait voeu de silence pendant dix années. Ensuite à partir de 1978, où, traqué par la police, asphyxié par l'angoisse, il cesse d'écrire jusqu'à sa mort en 1986, à San Francisco.
Il a été salué très tôt en France et en Angleterre comme un des plus fulgurants et authentiques poètes de la "Beat Generation". Un de ces poètes qui, comme Rimbaud, se sont peu souciés de laisser après leur mort, une oeuvre, ce qui les rend mystérieux, inaccessibles et donc inépuisables.

Prochaine réunion: mercredi 8 décembre 1999, 18 heures 30
Préparation du numéro 34 de la revue "Vivre en Poésie",
Propositions de projets poétiques pour l'An 2000.

Accueil Écrire Actualités Forum Francophones Du monde entier Pour les enfants Résistance



30 rue de Bourgogne 75007 Paris / http://www.poesie.net