Indéniablement,
le Grand Jeu s'inscrit dans le sillage du Surréalisme.
Les membres de ce mouvement peu connu des histoires littéraires,
Roger-Gilbert Lecomte (1907-1943) et René Daumal (1908-1944), notamment,
n'ont pas vécu, comme André Breton et ses amis, les affres
du front, durant la première guerre mondiale. ils n'en partagent
pas moins la révolte de ces remarquables ainés dont ils
vont, dans un premier temps, se rapprocher. Comment
le Poète, investi dans les sociétés traditionnelles
d'un pouvoir religieux, au sens étymologique du terme, n'entrerait-il
pas en guerre contre une société vouée au seul profit
et s'appuyant pour ce faire sur les apories du positivisme ou d'un matérialisme
primaire? Les Simplistes, plus tard adeptes du Grand Jeu,
sont, comme les Dadaiste, dotés d'un immense pouvoir de négation.
Négation d'une cosmologie que remettent en question les équations
de Planck et de Einstein. Négation d'une psychologie cartésienne
que fait voler en éclats la découverte par Freud et Jung
de l'inconscient.
Si ce monde idolâtre du seul argent ne convient pas, il faut le
renverser. C'est à quoi s'emploieront de nombreux mouvements artistiques
de l'entre-deux-guerres. Deux pôles opposés susciteront des
fascinations parfois dangereuses: la Tradition Ésotérique
et la Révolution Marxiste. Entre les deux, les Surréalistes
ne choisiront jamais, trop occupés,apparemment, à concilier
les inconciliables, trop prudents, certainement. Aragon et ses amis opteront
pour le Rêve Rouge. René Daumal et Roger-Gilbert Lecomte,
au contraire, se tourneront vers le plus lointain passé. Ils se
choisiront pour maîtres Guénon puis Gurdjeff. Plus que par
la révolution au sens socialiste, lls se réclament d'une
révolte radicale: ennemis des religions instituées, ils
tenteront à leur tour, sur les traces de Nerval
et de Rimbaud, l'aventure mystique.
Dominique NOURRY |
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