L'HOMME SEUL
Il dit que les arbres et les tas de feuilles mortes que l'on brûle en automne,
c'est lui.
Il dit que les quatre saisons et les fonts baptismaux où crisse le sel et ruisselle
l'eau, c'est lui.
Il dit que les pousses et les souches, les bourgeons et les marrons qui éclatent dans la
flamme, c'est lui.
Il dit aussi que la dureté des cuisses et la chaleur de l'enfantement, que les navires
qui se brisent contre les banquises, et que la brise qui fouette la glace, c'est lui.
Et que les champs qui s'émiettent sur l'horizon, et que les horizons qui s'enfoncent dans
le sol, c'est lui.
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Pourtant,
Ophélie refuse de lui tendre le buis plein des écailles de nuit déposées par des dieux
inconnus.
Ophélie lui refuse ses lèvres, elle refuse de chanter pour lui.
Et les châtaignes brûlantes du sang vierge des enfants se craquellent, Ophélie refuse
de prier pour lui.
Au travers des serpentins neigeux qui conduisent loin des humains, il poursuivra sa route.
Il s'enfoncera dans le sein des orages, il s'enfoncera seul sur les rocailles
Et se brisera.
Alors Ophélie chantera, apercevant son ombre, chantera, et bénira le
fantôme de celui qui régnera parmi les ombres.
Louis VAILLANT |