Tel
un prince héritier qui se déguise et rôde
Afin de démasquer l'injustice et la fraude
Dans les états du Roi, son père,
Tel, Jésus, reprend parfois son jeune front mortel,
Quitte en secret le firmament du Dieu, Son Père
Et blond, s'en vient un peu voyager sur la Terre
Télémaque divin, que comme un vieux Mentor,
Le Bon saint Pierre, ôtant son auréole d'or
Pour n'être pas trahi par ses feux, accompagne.
Un jour, ayant battu longuement la campagne,
Le Seigneur et le Saint (on était en hiver)
Firent halte en un bois, dont le feuillage verre
N'était plus sur le sol que de l'humus rougeâtre.
Saint Pierre eût bien voulu s'asseoir au coin d'un âtre
Et chauffer ses vieux doigts, mais la seule maison
Qui leva le chapeau de chaume à l'horizon
Ne penchait pas au vent la plume de fumée
Qui fait rêver bon gîte et soupe parfumée.
Donc, ce bois valait mieux. D'autant que le Soleil
y donnait.Un soleil, pas bien chaud, c'est vrai,
Timidement vermeil. Mais tout de même,
Point trop à dédaigner dans ce matin si blême,
Et Pierre, tout fourbu d'aller par les chemins,
S'étant assis, tendait vers ce Soleil, ses mains
Et les dégourdissait dans sa lumière rose,
Cependant que Jésus, rêvait, à quelque chose,
Debout, et ne sentant ni fatigue, ni froid.
Pierre cria soudain :" Maître, fils de mon Roi,
Regardez ! Regardez cette femme !
N'est-elle pas stupide ou folle ? Sur mon âme,
Elle veut ramasser du Soleil. Voyez-là
!"
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Edmond
Rostand
La Brouette
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