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		Moi qu'un petit enfant rend tout à fait stupide, J'en ai deux ; George et Jeanne ; et je prends l'un pour guide Et l'autre pour lumière, et j'accours à leur voix, Vu que George a deux ans et que Jeanne a dix mois. Leurs essais d'exister sont divinement gauches ; On croit, dans leur parole où tremblent des ébauches, Voir un reste de ciel qui se dissipe et fuit ; Et moi qui suis le soir, et moi qui suis la nuit, Moi dont le destin pâle et froid se décolore, J'ai l'attendrissement de dire : Ils sont l'aurore. Leur dialogue obscur m'ouvre des horizons ; Ils s'entendent entr'eux, se donnent leurs raisons. Jugez comme cela disperse mes pensées. En moi, désirs, projets, les choses insensées, Les choses sages, tout, à leur tendre lueur, Tombe, et je ne suis plus qu'un bonhomme rêveur. L'art d'être grand-père publié en 1877

Nous pourrions commencer par présenter l'enfance de Victor Hugo, mais cette "première semaine" sera consacrée au grand-père ! Depuis la fin de cette vie féconde, nous retournerons, au fil de l'an 2002, vers l'enfance du poète ; jusqu'à ce siècle qui "avait deux ans" comme le nôtre... Victor Hugo avait deux petits enfants : Jeanne et Georges. Tous deux étaient enfants de Charles, troisième des cinq enfants d'Adèle et Victor. Au soir de la vie du poète ils sont sa lumière et son inspiration... Ce poète, qui a connu une vie tumultueuse, est exilé à Guernesey (l'une des îles "anglo-normandes"), il écrit une oeuvre gigantesque, il écrit -debout- face à la mer... Quand d'autres se spécialisent sur une époque, lui écrit "La légende des siècles" embrassant toute l'histoire de l'humanité depuis les temps où l'homme découvre qu'il a une conscience* jusqu'aux temps des guerres Napoléoniennes ! Plus cet homme se plonge dans l'immensité de la vie, plus il découvre la splendeur de la petitesse. Le ruisseau de l'innocence lui semble infiniment précieux et source d'espérance dans ce monde agité.

*Caïn, ayant tué son frère Abel, voit un oeil qui le regarde... il change de lieu, ses enfants mettent des toiles ou des murs devant ses yeux, mais cela n'y change rien : "Cet oeil [le] regarde toujours"... Pour échapper à ce regard de sa propre conscience, il veut se cacher sous la terre, mais "L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn", fin du grand poème "La conscience" de "La légende des siècles".